Plusieurs éleveurs des Hauts-de-France ont vu leurs bêtes s’affaiblir, voire mourir, et accusent les éoliennes d’être à l’origine de ce mal. La région fait pression pour qu’on les écoute.
La demande porte sur le manquement de prise en compte des études de sol et sous-sol préalables à l’installation d’éoliennes.
Yann Joly, éleveur laitier et céréalier, a dû se séparer d’environ 300 bovins, dont 120 laitières. Il était lassé de les voir s’affaiblir, jusqu’à parfois mourir, après la mise en route de 12 puis de 24 mats par Enercon. Découverte par un sourcier, une rivière aurait transporté des courants électriques.
« De 2011 à 2015, j’ai perdu 350 000 euros. Je réclame cette somme devant le tribunal. J’ai été débouté mais je fais appel. J’ai dû me mettre en cessation d’activité pour le lait. Je travaille pour payer mes dettes jusqu’à la retraite. Je suis content de la démarche du conseil régional. Je me sens moins seul car l’État fait l’autruche. »
Un vrai champ de bataille qui aurait subi un pilonnage au mortier, avec des trous béants, des arbres abattus, des haies arrachées, des chemins élargis, des accès bétonnés, des grandes aires cailloutées et tassées afin de préparer l’arrivée des mastodontes routiers qui vont déposer leurs pales (non recyclables) de 55 mètres qui seront installées sur les mâts d’une hauteur moyenne de 100 mètres.
En Bretagne, ces petits cadavres de chauves-souris qui embarrassent l’éolien terrestre.
« L’éolien terrestre reste néanmoins très meurtrier pour les chauves-souris, ces mammifères insectivores et pollinisateurs, très utiles pour la biodiversité. »
« Elle met en lumière l’hécatombe observée dans les 86 parcs bretons où un suivi de mortalité a été réalisé. »
« Dans le Morbihan, dans les Côtes-d’Armor et dans l’Ille-et-Vilaine, six d’entre eux ont été extrêmement meurtriers pour les chauves-souris, tuées en plein vol, percutées par les pales des éoliennes ou par implosion (barotraumatisme), en raison de la pression exercée par les machines. »
Les parcs éoliens les plus meurtriers de Bretagne. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE
« Que l’on ne s’y trompe pas. Ces chiffres bruts sont bien en deçà de la mortalité réelle des chauves-souris.«
« Depuis dix ans, on a des courbes d’évolution des espèces communes très alarmantes.C’est moins 88 % pour la noctule commune, inscrite sur la liste rouge nationale des mammifères en danger. Les éoliennes ont sûrement une responsabilité dans ce déclin. C’est un signal d’alarme très fort. »
« On ne peut pas sacrifier des espèces sur l’autel de la production verte, fait valoir Thomas Le Campion. Si l’État ne veut pas freiner l’éolien aujourd’hui, c’est clairement une question d’argent. Plus un parc fait l’objet de mesures de bridage, moins il est rentable. »
En cette année 2021, la vitesse moyenne des vents à la surface du vieux continent est particulièrement faible par rapport aux dernières décennies. Cette situation affecte très directement la production d’énergie européenne par les parcs éoliens.
Les données du programme Copernicus de surveillance de l’atmosphère montrent qu’au cours de la saison estivale, la vitesse du vent a été à plusieurs reprises la plus basse jamais recensée depuis le début des archives en 1980.
Selon les chiffres d’un groupe de modélisation météorologique indépendant nommé Vortex, l’anomalie de vitesse atteint jusqu’à 15 % dans la moitié nord-ouest de l’Europe. L’infographie présentée ci-dessous situe les écarts par rapport à la moyenne 1991-2020 pour les neuf premiers mois de l’année.
Un contexte climatique favorable aux épisodes de vents faibles
À quoi doit-on cette situation météorologique plutôt atypique ? Si la variabilité propre au fluide atmosphérique explique l’essentiel des anomalies constatées à cette échelle de temps (quelques mois), le changement climatique semble également contribuer pour partie. En effet, la tendance de long terme révèle une décroissance significative des vents de surface à l’échelle mondiale, dont l’Europe.
« Les tendances de la vitesse du vent près de la surface à travers le monde ont révélé que les vents se sont généralement affaiblis au-dessus des terres au cours des dernières décennies », note Paul Williams, professeur et chercheur en sciences atmosphériques à l’Université de Reading (Angleterre). « Cela suggère que le phénomène fait partie d’une véritable tendance à long terme, plutôt que d’une variabilité cyclique ».
Une corrélation forte avec la production d’électricité éolienne
Selon le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), dont le dernier rapport sur les bases physiques est sorti le 9 août dernier, la vitesse du vent en Europe devrait décroître de 10 % supplémentaires d’ici à 2100 les mois d’été dans un scénario optimiste où le réchauffement est limité à 1,5 °C. On doit cette évolution au reflux vers le nord du courant-jet polaire et à la diminution du contraste thermique entre le pôle et les tropiques.
Avec une élévation plus importante des températures, l’anomalie de vitesse du vent serait encore un peu plus marquée. Or, de tels déficits en mouvement se concrétisent par une production d’électricité éolienne anormalement basse. En mars dernier, la Grande-Bretagne connaissait par exemple sa production la plus faible depuis plus d’une décennie. En septembre, le pays a même dû remettre en route certaines centrales à charbon pour pallier une trop faible production.
La cour administrative d’appel de Marseille a jugé que l’exploitation des vingt-deux éoliennes récemment construites sur les contreforts de la montagne Sainte-Victoire exigeait la délivrance d’une autorisation environnementale après production d’une étude d’impact et organisation d’une enquête publique. Arrêt du 31 mars 2021
Sites & Monuments, appuyée par 15 associations nationales et régionales (voir ici), dit sa satisfaction de voir la Cour administrative d’appel de Marseille confirmer la nécessité de la délivrance d’une autorisation environnementale pour l’exploitation des 22 éoliennes récemment construites sur les contreforts de la montagne Sainte-Victoire.
« La requête de la société Provencialis et celle de la ministre de la transition écologique et solidaire sont ainsi rejetées », le promoteur devant en outre verser 2000 euros au titre de nos frais de justice.
La montagne Sainte-Victoire aujourd’hui encadrée par un parc de 22 éoliennes dépourvu, à ce jour, d’autorisation environnementale. Photo M.-A. Chavanis / Sites & Monuments.
Sites & Monuments souligne le caractère illégal de l’édification de la centrale, pendant près de 4 mois, alors que les aérogénérateurs étaient dépourvus de toute autorisation environnementale. Cette dernière conditionnait en effet la mise en œuvre des permis de construire. L’association se réserve naturellement la possibilité d’en saisir le juge pénal et déplore l’autorisation provisoire d’exploiter accordée par le préfet du Var à compter du 29 mai 2020 (voir ici), validée par la Cour.
L’administration est aujourd’hui placée dans la situation kafkaïenne de devoir faire abstraction de l’existence de 22 machines de 125 mètres de haut dans la nouvelle analyse – rendue nécessaire par la présente décision – qui appréciera leur coût environnemental, pour en autoriser ou en interdire définitivement le fonctionnement, après production d’une étude d’impact et organisation d’une enquête publique.
Sites & Monuments rappelle que l’industrialisation du piémont de la montagne Sainte-Victoire, faite au détriment de sa biodiversité et de paysages universellement admirés, a bénéficié à des fabricants chinois, à un industriel danois, à une holding suisse et au fonds d’investissement irlandais ayant acquis cette centrale éolienne en janvier 2021, qui profitera d’une rente servie pendant 20 ans par les contribuables français.
Sites & Monuments rappelle, en outre, que, par son intermittence, et en l’absence de solution réaliste de stockage, l’électricité éolienne n’est pas une énergie fiable. Elle est, par conséquent, totalement dépendante du maintien de notre parc nucléaire ou, comme en Allemagne, de sources d’électricité carbonées.
D’où une question simple : qu’avons-nous à gagner au massacre des paysages de Sainte-Victoire ?
À Lunas (Hérault), les sept turbines du parc éolien de Bernagues devront être démontées suite à une décision de justice. Lancé en 2004, le site a subi de vives oppositions émanant d’associations environnementales. C’est la première fois qu’un tribunal ordonne le démantèlement d’éoliennes en France.
Attaqué dès les premières esquisses, le projet a dû faire face à la détermination de collectifs de défense des paysages et de la biodiversité. Arguant principalement la protection d’un couple d’aigles royaux parmi d’autres espèces, ils étaient parvenus à faire annuler le permis de construire à trois reprises, en 2012, 2016 et 2017.
Cette affaire particulièrement longue et complexe semble avoir atteint son point final. L’ultime prononcé exige le démantèlement des éoliennes et la remise en état du site d’ici fin juin 2021. S’il ne respecte pas le jugement, le propriétaire devra verser 9 000 € d’astreinte quotidienne aux associations. L’appel d’ERL n’y changera rien, le tribunal ayant ordonné l’exécution provisoire de sa décision. Celle-ci pourrait d’ailleurs faire jurisprudence auprès d’autres dossiers opposant des parcs éoliens aux associations environnementales.
400. C’est le nombre de vaches mortes enregistré le 19 décembre 2020 à la ferme de Didier et Murielle Potiron depuis 2012. C’est-à-dire depuis la construction du parc éolien des Quatre seigneurs, dont une des huit turbines est implantée sur leurs terres.
« Merci les services de l’état. Merci la profession agricole. Merci les scientifiques. Merci la filière éolienne. Voici le 400ėme bovin mort depuis 2012. Toujours pas de solutions proposées. »
Lundi 4 janvier 2021, ce chiffre symbolique a même été dépassé puisque l’éleveur bovin, contacté, annonçait : « On en a trois autres qui viennent encore de mourir, sans aucune explication apparente », assure-t-il.
Une surmortalité apparue dès la construction du parc éolien
Pour Didier et Murielle Potiron, mais aussi pour leur voisine éleveuse Céline Bouvet, l’origine de cette surmortalité de leurs bêtes est clairement liée aux éoliennes toutes proches. D’autant qu’eux-mêmes en subissent les effets sur leur santé depuis toutes ces années : fatigue permanente, douleurs musculaires, maux de tête, insomnies… autant de problèmes qui disparaissent dès qu’ils s’éloignent de leurs exploitations/habitations
Depuis fin août 2020, trois cadavres de rapaces protégés ont été retrouvés à proximité de deux parcs éoliens de la commune d’ASSAC, dans le Tarn (81) : deux Circaètes jean le blanc et un Faucon crécerellette. Alors que plusieurs associations alertent fréquemment sur les risques de collision entre l’avifaune et les parcs éoliens, les exploitants ne semblent pas vouloir prendre des mesures immédiates ni demander les autorisations de déroger à la protection stricte des espèces menacées.
Si FNE Midi-Pyrénées et la LPO soutiennent le développement de l’énergie éolienne en raison de son importance pour la réussite de la transition énergétique, nous considérons qu’elle doit respecter une « transparence écologique ». Dans ces cas précis, elle ne doit pas se réaliser au détriment de la biodiversité, notamment d’espèces protégées présentes en Occitanie.
Les objectifs du développement durable en termes de transition énergétique et de protection du climat ne peuvent s’exonérer de la prise en compte de la biodiversité. Il est indispensable qu’ils réussissent ensemble.
Allain BOUGRAIN DUBOURG, Président de la LPO France
Un parc éolien qui entraîne la mortalité de nombreuses espèces protégées
Sur une période de cinq mois de l’année 2016, le bureau d’étude mandaté pour effectuer un suivi environnemental des 2 parcs éoliens a pu constater 17 cas de mortalité de chiroptères (dont 5 Pipistrelles de Kuhl, 2 Noctules de Leisler et 1 Vespère de Savi) et 4 cas de mortalité d’oiseaux (dont 1 Bruyant proyer). L’étude, prenant en compte la fréquence des suivis et ceux déplacés par des prédateurs, estime le taux de mortalité pour l’ensemble des dix éoliennes à 142 chiroptères et 50 oiseaux détruits par an.
Les parcs éoliens se situent en effet à proximité d’un dortoir de Faucons crécerellettes (commune de Valence d’Albigeois à moins de 7,5 km), à proximité d’un domaine vital de Vautours fauves mais aussi au sein même d’un domaine vital de Milans royaux. Ce constat n’a pourtant pas suffi à ce que les parcs éoliens se dotent, d’eux-mêmes, de systèmes de détection/d’effarouchement de l’avifaune ou d’arrêt automatisé de rotation des éoliennes permettant de réduire ces taux de mortalité.
C’est dans ce contexte que, lors d’un nouveau suivi environnemental, deux Circaètes jean le blanc et un Faucon crécerellette ont été découverts au pied des éoliennes fin août 2020. Ces espèces patrimoniales faisant l’objet d’enjeux locaux de préservation particulièrement importants, une saisine du juge s’imposait.
L’objectif affiché du développement de l’éolien est la transition écologique mais souvent des intérêts purement financiers se cachent derrière cette intention vertueuse. Quoiqu’il en soit, les populations d’oiseaux et de chauves-souris ne doivent pas être impactées par le fonctionnement des éoliennes et les exploitants doivent impérativement prendre des mesures afin d’éviter la mortalité de ces espèces.
Thierry de NOBLENS, Président de FNE Midi-Pyrénées
FNE Midi-Pyrénées et la LPO saisissent la justice
Si des arrêtés préfectoraux d’urgence ont permis de suspendre le fonctionnement des éoliennes en période diurne de mi-septembre à début octobre 2020, ces mesures restent temporaires et insuffisantes.
En effet, les parcs éoliens ne bénéficient d’aucune autorisation environnementale leur permettant de porter atteinte aux espèces animales protégées. Cette procédure nécessite l’avis d’autorités environnementales et, surtout, constitue une garantie d’une meilleure prise en compte des impacts sur la biodiversité par les mesures d’évitement, de réduction ou, à défaut, de compensation qu’elle impose.
Face à cette situation inacceptable pour nos associations, nous portons plainte contre les deux exploitants pour destruction d’espèces protégées et demandons à la préfète du Tarn de mettre en demeure les sociétés de régulariser leur situation en déposant une demande d’autorisation environnementale pour protéger au plus vite ces espèces.