Voici un extrait de la lecture de « Immortelle randonnée » de Jean Christophe Rufin.
L’auteur décrit son périple vers Saint Jacques de Compostelle et forcément, en Espagne, il rencontre beaucoup d’éoliennes. La description de ce qu’elles lui inspirent nous semble intéressante à partager.
Longtemps avant de parvenir au col, on aperçoit la crête qui se détache sur les nuages venus de la mer. Une ligne d’éoliennes suit cette crête. À contre-jour, les grands pylônes apparaissent en noir sur l’azur. On dirait des points de suture placés entre le ciel et la terre. Leurs pales ressemblent à des nœuds placés sur ces fils pour tenir solidement les deux mondes. Comme si un géant avait, d’un coup de bistouri, ouvert le ventre de l’horizon pour atteindre ses entrailles et l’avait ensuite recousu à la hâte. Dans l’esprit alangui du marcheur, quand de telles métaphores s’installent, elles roulent et s’enjolivent à chaque pas. Le rêve ne se brise que lorsqu’on atteint le col. Vues de près, les immenses éoliennes retrouvent leur identité de machine. Leur pied énorme s’enfonce dans un lit de béton qui les arrime au sol. Et leurs hélices gigantesques grincent lugubrement. Les moulins d’aujourd’hui n’ont pas de meunier. Ils évoquent plus H.G. Wells qu’Alphonse Daudet. L’homme qui passe à leur pied courbe l’échine avec humilité. Ces producteurs d’énergie douce sont des machines violentes, arrogantes, maléfiques.
Leur présence au milieu des champs ou sur les sommets produit un étrange sentiment d’effraction, de menace, comme si ces créatures échappées du monde industriel étaient venues envahir la nature encore libre et lui imposer leur loi.
De l’autre côté du col, le Chemin redescend et l’on marche en tournant le dos aux éoliennes, ce qui produit un soulagement immédiat.
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Quel talent !
Réussir à écrire de la poésie sur ces éoliennes qui détruisent le paysage et le patrimoine est un vrai tour de force.
Respect …